Suite aux amendements radicaux du Sénat visant notamment à permette l’installation de « zones d’activité économique » en dérogation de l’article L121-8, le gouvernement a tenté de redresser la barre.
L’amendement adopté, devenu le nouvel article 9A de la proposition de loi, a du mal à nous convaincre cependant (v. http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/ta/ta0898.pdf).
Nous passerons sur la « relocalisation » des activités et des biens situés en secteur exposé au risque d’érosion marine, le nombre de cas étant assez limité à l’échelle nationale.
On ne pourra cependant s’empêcher de penser que quand il s’agit d’assouplir la loi littoral, le gouvernement et le législateur trouvent les moyens rapides de le faire …
Le nouvel article L121-8 sorti de l’Assemblée est rédigé comme suit :
CHAPITRE III
Encourager le développement durable des territoires littoraux
(…)
1° L’article L. 121-8 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, dans les hameaux existants, identifiés par un plan local d’urbanisme et comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs, ces dispositions ne font pas obstacle aux opérations qui n’ont pas pour effet d’étendre, de renforcer de manière significative ou de modifier les caractéristiques du périmètre bâti.
2° L’article L. 121-10 est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’Etat précise les critères de définition des agglomérations, des villages et des hameaux existants comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs ainsi que des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. » ;
Le titre du chapitre à lui seul est tout un programme ! Il faut « encourager » le développement i.e évidemment l’urbanisation ; hors béton qui coule, point de salut !
Sur le fond, le principe consistant à combler les « dents creuses » pour mettre fin à la jurisprudence « commune de Landeda » de la CAA de Nantes ne nous choque pas. Des précautions doivent cependant être prises pour éviter que le comblement de « dents creuses » ne soit le prétexte à combler en réalité des zones d’urbanisation diffuse.
Ce d’autant plus qu’il y aurait quelque paradoxe à acter l’urbanisation diffuse de communes littorale entreprise à partir de 1986 (date d’entrée en vigueur de la loi) en totale illégalité, autrement dit à faire bénéficier les communes peu vertueuses d’une prime à la violation de loi !
Dent creuse ou trou dans la mâchoire ?
Rappelons que l’expression « dent creuse » est une expression d’architecte et d’urbaniste à l’origine qui visait les terrains non construits en ville situés à l’alignement et entourés d’immeubles. L’expression est ainsi dévoyée complaisamment par des élus bétonneurs pour y associer maintenant un terrain de 1500 m2 entouré à 50 m. de plusieurs constructions : ce n’est plus une dent qui manque mais carrément un trou dans la mâchoire !
Il reste qu’un terrain nu typiquement situé dans un lotissement, bordé sur ses 4 côtés à moins de 30 mètres par une construction suffisamment importante (une maison, pas un cabanon) est un terrain sans doute « perdu » pour l’agriculture (quoique la relocalisation du maraichâge est envisageable) ; son « comblement » en le rendant constructible s’il est dans un hameau ne nous apparaît pas choquant.
La définition du hameau en cause
Le premier problème posé par l’amendement du gouvernement tient au fait cependant qu’il prévoit le comblement des hameaux « comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs ».
La référence à la notion de quantité et de densité fait directement référence à l’arrêt du Conseil d’Etat commune de Porto-Vecchio de 2015.
Un simple dictionnaire, « Le Petit Robert » donne la définition du hameau : « agglomération de quelques maisons rurales situées à l’écart d’un village, et ne formant pas une commune ».
Dans une réponse à une question d’un Sénateur, le gouvernement précisait dans le même sens (JO Sénat du 14/01/2010 – page 80) : « (…) On entend par hameau un petit groupe d’habitations (une dizaine ou une quinzaine de constructions au maximum).
Il nous semble donc ambigu déjà de prévoir que sera un hameau un petit groupe de constructions … comportant un nombre important de constructions !
Un décret qui ne règlera rien … mais sera-t-il pris ?
Ensuite c’est une chimère à l’évidence de penser régler l’insécurité juridique comme l’a soutenu la ministre Mme Cosse à travers un décret venant donner les définitions de hameaux, villages et agglomérations. Une fois ces définitions précisées, c’est leur application qui donnera lieu à contentieux … sauf bien entendu si le décret ne vient jamais (la PPL prévoit bien que le décret « précise » et non pas « peut préciser » les critères des agglomérations, villages etc. C’est vrai que le décret de l’amendement de M. Gaïa député du Var pour régler l’aménagement de la plage de Pampelonne à Ramatuelle n’a jamais vu le jour. Ceci explique peut-être cela.
Les activités agricoles et liées aux cultures marines plus facilement autorisées sur le littoral : le concours aux maisons d’architecte – atelier d’ostréiculture et aux maisons d’habitation des agriculteurs avec piscine est relancé !
Enfin, une nouvelle dérogation générale au principe posé par l’article L121-8 d’urbanisation en continuité des agglomérations et des villages est prévue.
On sait que depuis l’amendement de la sénatrice du Finistère Mme Boyer en 1999, il est possible de déroger au principe pour les constructions agricoles incompatibles avec le voisinage des habitations. A l’origine, on visait les porcheries et poulaillers industriels, modèles assurément de « développement durable » comme le prévoit l’intitulé du chapitre III.
On sait aussi que la jurisprudence, souvent critiquée par les élus, a été pourtant très souple faisant rentrer dans la dérogation les activités non directement agricoles comme les usines de transformation de produits agricoles ; dorénavant, si le texte reste en l’état, seront autorisées toutes les activités agricoles, même dans les espaces proches du rivage (excepté les 100 mètres du rivage et les espaces par ailleurs inconstructibles bien sûr) et y compris celles nécessaires « au cultures marines ».
On sait les dégâts que causent régulièrement en zone agricole hors littoral les projets de constructions nécessaires à l’activité agricole : maison d’habitation de l’agriculteur pour surveiller son blé qui pousse, poney club, pépinières avec accueil du public transformé en parc, installations de commercialisation des produits (« vente directe »). Qui sérieusement viendra ensuite vérifier qu’il n’y a pas de changement de destination ? Un atelier ostréicole se transforme avec deux coups de « placo » en jolie maison d’achitecte, avec une plus-value conséquente. Les 4 ou 5 agents départementaux de la DDTM assermentés pour constater les infractions ? Le maire ?
Le gros problème de la loi littoral c’est sa non application constante depuis 30 ans ; 3, 7 millions de m2 construits chaque année sur les communes du littoral (chiffre DATAR-DIACT 2004), mais ce n’est pas assez, il était urgent de modifier la loi !