1. La faute qui ouvre droit à réparation 

La société exploitante d’éoliennes qui avaient détruit des espèces d’oiseaux protégées se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui avait déclaré qu’elle avait commis une faute au visa de l’article 1240 du Code civil et l’avait condamnée à indemniser le préjudice moral des associations requérantes, agréées au titre de l’article L141-1 du code de l’environnement.

Rappelons que l’article L142-2 du même code déroge au droit commun de la procédure pénale (art. 2 du cod. de procé. pén.) en permettant aux associations agréées d’exercer les droits reconnus à la partie civile (victime d’une infraction pénale) en cas seulement de préjudice indirect aux intérêts collectifs qu’elles défendent. L’action civile peut alors être portée indifféremment devant le juge pénal comme civil (art. 4 CPP).

Rappelons que l’agrément donne un droit supplémentaire mais n’interdit pas aux associations non agréées d’agir : exemple : Crim. 12 septembre 2006, Bull. crim. n° 217, p. 762, fiché sur ce point, la chambre criminelle s’attachant alors au principe de spécialité de l’action de l’association.

De longue date, indépendamment de tout agrément, le préjudice moral des associations peut être indemnisé en cas d’infraction d’environnement ou urbanistique ; il est tout aussi possible pour une association agréée ou pas d’agir uniquement sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil indépendamment de toute infraction.

Le cas le plus fréquent et le plus topique est celui de l’action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire (après son annulation par le juge administratif) : Civ. 3e,  24 mars 2009 n°08-10753, plus récent Civ. 3e, 7 nov. 2019  n° 18-17.751

par exemple pour des associations non agréées.

Plusieurs arrêts au fond sont rendus chaque année dans ce domaine, obtenus par le Cabinet.

Enfin, il existe des cas régulièrement dans lesquels le prévenu peut être relaxé en première instance mais pourtant condamné sur les intérêts civils sur le seul appel de l’association ; cela n’a rien d’exceptionnel et le juge judiciaire doit alors examiner s’il existe un infraction constitutive d’une faute civile.

Autant dire que la critique de l’arrêt par EDF soutenant que la cour d’appel lui reprochait seulement une infraction « alléguée » était voué au rejet.

II-        La faute civile qui provient d’une activité autorisée par l’administration 

En quoi diantre le fait que la porcherie de mon voisin soit autorisée par le préfet m’empêche d’obtenir réparation du préjudice que je subis devant le juge civil, dans mes rapports de voisinage ? 

Aucun principe évidemment et certainement pas celui de la séparation des autorités administratives et judiciaires par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

On sait que la Cour de cassation a même admis que le Juge civil ordonne des obligations de faire à l’exploitant complétant les prescriptions de son arrêté ICPE (Civ. 1 13 juillet 2004 n°02-15176, Lacroix, fiché au Bull.).

En conséquence, on ne voit pas très bien en quoi l’indemnisation du préjudice moral des association aurait pu remettre en cause les autorisations administratives.

Par ce biais, EDF souhaitait en réalité faire juger que l’absence d’autorisation de destruction d’espèces protégées par le préfet (art. L411-2 4° du cod. env.) valait comme une sorte de brevet lui permettant ensuite d’être exonéré de toute responsabilité, alors que comme toutes les autorisations administratives, celle-ci sont délivrées sous réserve du droit des tiers.

Cette critique a évidemment été rejetée par la Cour de cassation.

III.- Le délit d’atteinte aux espèces protégées 

Enfin la Cour de cassation rappelle de façon fort pédagogique aux exploitants les éléments constitutifs de l’infraction prévue et punie par les art. L411-1 et 415-3 cod. env. qui est certes une infraction intentionnelle mais dont l’élément moral peut être constituée par la seule imprudence de l’auteur des destructions des espèces protégées (Crim, 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96).

Partant, la cour d’appel a pu retenir que le délit de destruction d’espèce protégée était constitué par EDF et les autres exploitants.

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