Le projet de loi « portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » dite « ELAN » adopté en commission mixte paritaire le 3 octobre dernier http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta/tap0178.pdf et qui constitue la future loi modifie la loi « littoral » et notamment le principe de l’urbanisation en continuité des villages et des agglomérations.

Le nouveau texte permet de construire « dans les secteurs déjà urbanisés » (art. L121-8 al. 2 nouv.) qui constitue une nouvelle catégorie à côté des villages et des agglomérations. Le projet de loi reprend la définition de ces secteurs donnée par la jurisprudence (CE com. de Porto Vecchio) en y ajoutant des critères (structuration par les réseaux). Il s’agit de permettre la construction à l’intérieur de ces secteurs et non en extension de leur périmètre, ce qui a permis de parler de combler des « dents creuses », expression à notre avis galvaudée. D’autre part, ces secteurs ne pourront être situés dans les espaces proches du rivage et il doit s’agir de répondre « à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics » ce qui doit exclure les projet à fins touristiques.

De prime abord, le nouveau dispositif encadre mieux l’urbanisation de ces secteurs, à mi chemin entre les secteurs agricoles et naturels peu construits et les agglomérations.

Cependant, il faut lire aussi cet article avec le nouveau 1° de l’article L. 121-3 aux termes duquel «Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire, les modalités d’application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, et en définit la localisation.»

Le législateur confirme la « territorialisation » de la loi littoral, après les cours administratives d’appel de Marseille et de Nantes (CAA Nantes, 14 mars 2018, N°16NT01335, com. de Ploemeur, C+) : les élus locaux, au niveau du SCOT, décideront ce qui relève des « secteurs déjà urbanisés ».

Or, si des garde-fous a prioriimportants ont été posés à l’article L121-8, le risque demeure de voir basculer dans le champ des « secteurs déjà urbanisés » des zones d’urbanisation diffuse et dans le champ des « villages et des agglomérations » des secteurs déjà urbanisés.

Au bout du compte, la loi ELAN avalise bien la tendance lourde de desserrement des contraintes de la loi « littoral » du 3 janvier 1986.

Il est répondu que, à cette époque, il était déjà prévu qu’il appartenait aux élus avec l’Etat (à travers les DTA créées en 1995) de préciser l’application de la loi en fonction du territoire. Sauf que, depuis 1986, ce qui caractérise la loi littoral, c’est justement la violation répétée du principe d’urbanisation en continuité des villages et des agglomérations. Il en est résulté ainsi un mitage renforcé du territoire qui, dans de nombreux cas, notamment en Bretagne, conduit plus de 30 ans après, à l’existence de ces « secteurs déjà urbanisés » voire de ces « agglomérations », donnant ainsi de fait une prime aux communes peu respectueuses de la loi, un comble !

D’autre part, en l’état de la jurisprudence, le juge administratif ne semble pas prêt à exercer un contrôle approfondi sur la notion d’agglomération ou de secteur déjà urbanisé. Autrement dit, dans le sillage de l’arrêt CE 27 07 2005 Comité de Sauvegarde du Port-Vauban, le juge admet un large pouvoir aux élus locaux aux motifs qu’ils décident au niveau de l’agglomération, moins sujette à pression qu’au niveau communal (illustration : CAA Nantes précité, frappé cependant d’un pourvoi en cours).

Ces contraintes desserrées, on attend encore la mesure phare venant apporter le contrepoint notamment pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique et la montée des eaux …

 

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